L'Accueil - véritable cœur de l'URSA - est décrit en commun par un rétabli et par un médecin ; c'est un exemple typique de la collaboration entre soignants et soignés qui fait la spécificité de l’URSA.
Extrait du Papier de verre n° 3 - 1993
PAR PHILIPPE D. ET LE DR ISABELLE SOKOLOW
Boire à l'occasion, ce peut être un plaisir qui ne modifie pas l'espace social, la communication, et semble même parfois l'élargir, Boire de manière habituelle, cela devient le plaisir, le seul plaisir dans un espace social qui se restreint. Pour l'alcoolique enfin, c'est un esclavage, dans un espace si réduit qu'il devient solitude. Libéré de la contrainte quotidienne de sa dépendance par un traitement médical, le malade se retrouve, mais seul, dans un espace étroit, et sans plaisir.
A Saint-Cloud, le soignant l'accompagne et le rétabli le reçoit dans un lieu qui leur est commun, « l'Accueil ». Trois personnages réunis, c'est le début d'une société. Une société, donc un espace social, non plus l'espace exigu du buveur solitaire, ni l'espace indifférent ou hostile du monde extérieur, mais un espace souple qui se crée à l'arrivée du malade et grandit avec lui, qui l'entoure sans le contraindre.
En effet, ce lieu n'a pas de règles mais des usages dont le seul but est de faciliter la communication. Ces usages sont simples, banals et pourtant symboliques : se réunir autour d'un café, c'est boire ensemble, et c'est aussi parler, communiquer. Ce lieu commun permet de faire prospérer des lieux communs, et c'est un instrument puissant de l'évolution du malade. Quel moyen plus simple, plus efficace pour que cette notion inconcevable au départ - une abstinence totale et définitive - devienne une idée commune, un lieu commun, une banalité, et enfin une évidence ?
Ce lieu est aussi un lieu de plaisir. Plaisir d'être ensemble, de se reconnaître et de s'identifier pour les malades, et pour tous de faire quelque chose ensemble. Il n'y a pas de règles, il y a jeu, avec ce qu'il apporte : émulation, enthousiasme, plaisir. L'Accueil, c'est un jeu sans gagnant ni perdant, car si le soignant et l'accueillant « gagnent », le malade qui se rétablit gagne aussi, et plus encore. Tous sont donc complices, et chacun y trouve son compte.
De sa chambre à la grande salle de l'Accueil en passant par les couloirs où se nouent bien des échanges, le malade s'approprie librement un territoire qui grandit avec sa sociabilité renaissante. Il apprend qu'il est libre de gérer sa maladie et que, pour cela, la parole est nécessaire et bonne. Et ce malade qui se rétablit dans son corps, qui a un territoire, qui retrouve la parole et la liberté, qui y prend plaisir, est sur le chemin de la vie.
Dernière mise à jour : 11 décembre 2009